Dyscalculie et remédiation pédagogique

Le Trouble Spécifique de l’Apprentissage avec déficit du calcul, plus connu en France sous le nom de dyscalculie, est un trouble durable qui affecte la compréhension, la manipulation et la mémorisation des nombres et des opérations mathématiques. Il ne s’agit pas d’un manque d’effort ou de motivation, mais bien d’une difficulté neurologique à construire le concept de nombre et à en manipuler les représentations symboliques.

Pour les personnes concernées, les mathématiques deviennent une source d’incompréhension et parfois d’angoisse. Le simple fait de devoir compter, mesurer, lire l’heure ou gérer de la monnaie peut représenter un véritable défi au quotidien.

🥇 Comprendre les fondements cognitifs : l’apport de Piaget

Les travaux de Jean Piaget éclairent la manière dont l’enfant construit progressivement sa pensée logique et mathématique à travers plusieurs opérations mentales :

  • La classification : capacité à regrouper des objets selon un critère commun (forme, couleur, taille). Un enfant en difficulté de classification aura du mal à organiser les éléments et à reconnaître les régularités nécessaires à la compréhension des ensembles numériques.
  • La sériation : aptitude à ordonner des objets selon une progression (du plus petit au plus grand, du plus clair au plus foncé). Sans cette compétence, la notion d’ordre des nombres reste abstraite.
  • La conservation : compréhension que la quantité reste identique même si la forme ou la disposition change (par exemple, une rangée de cubes espacés ne contient pas plus d’éléments qu’une rangée serrée). Chez les enfants présentant un déficit du calcul, cette notion reste souvent fragile.
  • L’inclusion des classes : comprendre qu’un ensemble peut contenir des sous-ensembles (par exemple, parmi les fruits, il y a des pommes et des poires). Cette difficulté rend plus complexe la compréhension de la hiérarchie des unités, dizaines et centaines.
  • La combinatoire : capacité à envisager toutes les combinaisons possibles d’un ensemble d’éléments. Elle est essentielle pour résoudre des problèmes, explorer des hypothèses et anticiper des résultats. La notion de « maison » du chiffre est parfois utilisé dans l’enseignement. Ainsi, l’enfant devra construire la maison de 10 avec toutes les combinatoires possibles (ex: 1+9, 2+8, 3+7, 5+3+2,…).

🔢🎲🖐️ Les systèmes de représentation du nombre

Selon les recherches en neuropsychologie cognitive, trois codes symboliques sont mobilisés dans la représentation du nombre :

  • Le code analogique : la perception des quantités (par exemple, reconnaître visuellement qu’il y a plus d’objets dans un groupe que dans un autre).
  • Le code verbal : les mots-nombres (“un”, “deux”, “trois”…), essentiels pour la mémorisation des suites.
  • Le code arabe : le système écrit de numération (1, 2, 3, 10, 100…).

Chez les personnes présentant un trouble du calcul, la coordination entre ces trois codes est souvent altérée. Cela se traduit par des confusions entre les représentations verbales, analogiques et écrites.

📏 Un autre élément clé est la ligne numérique imaginaire, cette représentation mentale qui permet de situer les nombres dans l’espace. Si elle est mal construite, la personne a du mal à estimer des quantités, à comprendre les écarts entre les nombres ou à réaliser des calculs mentaux. Cette ligne numérique imaginaire permet aussi de travailler sur l’exécution d’un calcul (ex: 85 – 80 sera calculé plus rapidement que 85 – 31).

1️⃣0️⃣ La transparence du système de numération

En français, la base 10 présente une transparence imparfaite.
Alors que certaines langues, comme le chinois, expriment clairement la structure du nombre (“dix-deux” pour douze), le français introduit des formes irrégulières (“onze”, “douze”, “soixante-dix”, “quatre-vingt-dix”…).
Cette opacité linguistique augmente la charge cognitive pour les enfants ayant un trouble du calcul.
Ils doivent à la fois mémoriser les mots-nombres et comprendre la logique de la base 10, ce qui freine la construction du sens du nombre.

⌚ Les conséquences au quotidien

Les difficultés liées au trouble du calcul dépassent le cadre scolaire :

  • difficultés à lire l’heure,
  • à évaluer des distances ou des durées,
  • à gérer de l’argent,
  • à suivre une recette ou à comprendre des graphiques.

Elles peuvent impacter l’estime de soi et créer un rapport anxieux aux mathématiques.

🧱 Vers une remédiation concrète et bienveillante : LEGO®, DUPLO® et méthode de Singapour

La remédiation du trouble du calcul passe avant tout par la manipulation concrète, qui permet de donner du sens au nombre avant d’aborder le symbole.
Les approches ludiques et visuelles, comme la médiation par les briques LEGO® ou DUPLO®, favorisent la compréhension en rendant les quantités visibles, tangibles et dénombrables. Les enfants peuvent ainsi reconstruire les notions de classification, de sériation et de conservation par l’action et le jeu.

Cette démarche rejoint la philosophie de la méthode de Singapour, qui repose sur une progression en étapes :

  • Concret : l’enfant manipule, observe et expérimente avec du matériel.
  • Imagé : il passe à des représentations visuelles (schémas, dessins, barres de comparaison).
  • Abstrait : il aborde ensuite les symboles et les opérations formelles.
  • Métacognition : il réfléchit sur sa propre manière d’apprendre, identifie ses stratégies, ses erreurs et ses réussites. Cette étape renforce la compréhension durable et la confiance en soi.

La métacognition joue un rôle central : elle aide l’apprenant à prendre conscience de ses raisonnements, à verbaliser ses démarches et à transférer ses acquis dans d’autres contextes.

En combinant la méthode de Singapour et la manipulation concrète avec les briques, dés, cartes,…, on offre un cadre d’apprentissage complet, ludique et structurant.
Cette approche réconcilie les enfants, les adolescents, et parfois les adultes, avec les mathématiques en leur permettant de penser, ressentir et comprendre le nombre autrement.

Cette approche, structurée et bienveillante, redonne confiance à l’élève, lui permet de comprendre avant d’apprendre, et de construire une véritable intuition du nombre.